mercredi 14 décembre 2011

La tomate Marocaine à l’épreuve du lobbying espagnol



Décidément, les agriculteurs espagnols sont loin de mettre un terme à leur lobbying anti-Maroc. L’accord agricole que doit ratifier l’Union européenne avec le royaume au début de l’année prochaine continue d'être menacé par le lobbying des agriculteurs espagnols. Derniers rebondissements en date, cette sortie de la Fédération espagnole des producteurs et exportateurs de fruits et légumes (FEPEX) pour dénoncer l’impact de l’accord sur le marché de l’emploi en Espagne. Nul n’ignore en effet la sensibilité d’un thème qui touche à l’emploi dans un pays ravagé par la crise économique tel que l’Espagne. Et c’est sur ce point que compte désormais capitaliser ladite fédération. Pour ce faire, ce chiffre de 12.500 emplois perdus la dernière année à cause, dit-elle, de l’afflux des exportations agricoles marocaines en Europe, un marché qui compte pour beaucoup auprès des agriculteurs espagnols. Ces derniers vont encore plus loin, accusant le royaume de pratiquer des prix bien en deçà de ceux inclus dans l’accord, une autre manoeuvre visant à mettre les bâtons dans les roues du Maroc en vue de la reconduction de l’accord.

Pour la partie marocaine, on fait valoir que «l’accord agricole entre le Maroc et l’Union européenne est très équilibré et tient compte aussi bien des intérêts des agriculteurs marocains qu’européens». L’autre point mis en avant par les professionnels marocains est que «les exportations marocaines vers le marché européen ne dépassent pas 2,5% de la consommation européenne de fruits et légumes». Ceci étant, il faut dire que les dernières statistiques du mois de novembre ne sont pas pour calmer les Espagnols. Ces derniers se sont vus en effet rafler l’un de leurs principaux marchés de la tomate en Europe, celui de Saint-Charles à Perpignan. Les exportations marocaines y ont en effet explosé pour atteindre, selon les dires de la fédération espagnole, cinq fois les exportations ibériques vers ce marché. Qu’est-ce qui explique donc cet acharnement des agriculteurs espagnols contre le Maroc ? Pourquoi l’Espagne est-elle le seul pays de l’UE qui conteste la ratification prochaine de l’accord agricole ?


Le marché n’est plus aussi acquis qu’auparavant
Il ne faut pas aller bien loin pour trouver que l’Espagne n’a aucun intérêt à ce que l’Europe continue à faire du Maroc un partenaire privilégié en agriculture. Et pour cause, ce marché, où l’Espagne bénéficiait des avantages économiques accordés aux membres de l’UE, n’est plus aussi acquis qu’il ne l’a été par le passé. Selon les professionnels du secteur agricole, la proximité géographique entre les deux pays fait en effet en sorte que le Maroc et l’Espagne disposent d’une saison agricole presque identique. Le chevauchement entre les campagnes implique qu’à partir du mois d’octobre, les exportations marocaines de fruits et légumes vers l’Europe atteignent leur pic. Or, historiquement, cette période est également celle où les agriculteurs espagnols font le plus gros de leurs chiffres d’affaires à l’export. Si jusque-là les précédents accords n’ont pas connu autant de résistance, celui que s’apprête à ratifier le parlement européen tombe dans un contexte de crise accrue en Espagne.

D’ailleurs, selon les données même de FEPEX, les huit régions espagnoles les plus touchées par le chômage sont celles qui sont à vocation agricole. C’est du moins le point dont font les agriculteurs espagnols leur cheval de bataille pour empêcher la ratification du nouvel accord. Ils sont d’ailleurs parvenus à repousser cette ratification prévue initialement pour octobre dernier à janvier prochain. Cela est-il pour inquiéter la partie marocaine ? Pas si sûr. Et pour cause, au sein même de la commission européenne, des voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer «la schizophrénie européenne». Plusieurs députés sont en effet montés au créneau pour dénoncer cette grogne face à la ratification de l’accord agricole avec le Maroc alors qu’au même moment, les voix se sont tues quand il s’est agi d’accords plus menaçants pour l’économie européenne à l’image de ceux conclus avec des pays asiatiques. Si la position de ces députés n’est pas pour décourager les agriculteurs européens, elle fera sans doute prendre conscience au parlement européen que les détracteurs de cet accord ont plus une motivation politique qu’économique. Par ailleurs, pour les professionnels marocains, cette nouvelle sortie de FEPEX n’est qu’une réaction à l’échec de la plainte déposée par le gouvernement espagnol concernant un présumé dépassement par le Maroc des quotas d’exportations de tomates permis. En effet, celui-ci a accusé le Maroc d’exporter 14.000 tonnes au lieu des 10.600 accordées, appelant l’UE à instaurer «une surveillance en ligne des quantités importées quotidiennement». Or, pour l’UE, la réponse a été on ne peut plus froide, rejetant la plainte en estimant que c’est aux pays membres d’effectuer les vérifications demandées. Cela traduit à quel point la position espagnole reste un cas isolé qui ne fait pas forcément consensus au sein de l’UE.

Par Younes A.TANTAOUI  
Les Echos.ma

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