mercredi 14 décembre 2011

Raisonnement du choix du porte-greffe sur agrumes


Raisonnement du choix  du porte-greffe sur agrumes
Optimisation de  l’investissement agricole


OUZINE MEHDI, Ingénieur Agro-Economiste
 Article paru à FOOD MAGAZINE -2011


Lors de la mise en place d’une unité de production agrumicole, l’investisseur est confronté à un challenge de taille : mettre en place un verger pour une durée moyenne de 15 ans. Une donnée qui renvoie vers la difficulté d’élaborer des choix d’ordre technique, notamment la problématique du raisonnement du porte-greffe.


Au cours de la dernière dé­cennie, la filière agrumicole nationale a connu un déve­loppement important grâce aux efforts entrepris par le secteur privé, les professionnels, mais aussi grâce aux incitations accordées par l’Etat (encouragement à l’équipement des exploitations, au renouvellement des vieilles plantations, à l’utilisation de plants certifiés, à la modernisation de l’exploitation agricole, à la recon­version vers des systèmes économes en énergie et en ressources…). Sur le plan de l’organisation profession­nelle, le secteur des agrumes est représenté par l’Association des Producteurs d’Agrumes du Maroc (ASPAM). Le mouvement coopératif reste en général peu développé dans la filière, exception faite de l’activité de conditionnement des produits destinés à l’exportation, où les coopératives ont joué un rôle dans le regroupe­ment d’une bonne partie des petits et moyens producteurs.

Des combinaisons variété/ porte-greffe infinies :
Sur un volet plus général, une des ca­ractéristiques de l’amont agricole reste son instabilité et sa dépendance vis-à-vis de l’environnement et des aléas climatiques. Il est souvent lié à une vo­latilité des cours, des tendances et des orientations du marché. La filière Agru­me ne fait pas exception, caractérisée par une notion de terroir affirmée et par un périmètre géographique élargi. Le champ variétal est également très diversifié et les combinaisons variété/ porte-greffe sont complexes et infinies. Ceci nous renvoie vers une question des plus cruciales lors de la mise en place de toute unité de production agrumicole : pour un objectif donné, quelle combinaison variété/porte-greffe choisir ? La réponse est d’autant plus difficile qu’il n’y a pas de réponse uni­que à cette problématique, mais plutôt des combinaisons plus adaptées à tel ou tel couple objectifs/contraintes. Ainsi, précocité, salinité, zone à risque ou caractéristiques recherchées au ni­veau du fruit... sont autant d’éléments de réponses qui orientent l’investisseur vers un choix final judicieux.


Quelques exemples :

Si le profil variétal agrumicole au niveau national reste vaste et diversi­fié, celui des porte-greffes également et son importance dans la traduction des caractéristiques agronomiques recherchées n’est plus à démon­trer. On retrouve ainsi le Bigaradier (Citrus Aurantium), porte-greffe le plus anciennement utilisé et qui reste encore dominant dans bien des pays du bassin méditerranéen. S’adaptant à une large gamme de types de sols, il induit une productivité moyenne ou assez bonne, confère une qualité du fruit acceptable, notamment pour le jus, et présente une bonne affinité avec toutes les variétés présentes sur le marché. Son principal défaut reste sa sensibilité vis-à-vis du virus de la Tristeza.

Face à cette menace virulente, la fa­mille des Citrange a pris ces dernières années une bonne longueur d’avance. Présentant une résistance à la Phy­tophthora, une induction de la mise à fruit plus rapide et une production élevée, on y retrouve deux familles : le C.Troyer et le C.Carizo. Les fruits y sont souvent de petit calibre mais restent de bonne qualité, notamment dans le cas de l’association clémenti­nier/Troyer, avec une nette supériorité du C.Carizo en terme de calibre par rapport à son homologue.

D’autres porte-greffes ont fait leur ap­parition sur le marché national. A titre non exhaustif, citons le Macrophylla, le C35, le Citrus Volkameriana… Ce dernier est caractérisé par une forte productivité, malgré une certaine alternance des récoltes et une légère baisse au niveau de la teneur en jus et en extraits solubles. 


Si on devait y ajouter la liste des variétés disponibles on se retrouve­rait facilement avec une centaine de combinaisons possibles. Alors, dans un tel environnement où la recherche du calibre, du tonnage et des indices qualitatifs sont de rigueur, le raisonne­ment de cette composante s’avère des plus cruciales.

Le Macrophylla en est un parfait exemple : souvent dénigré pour la qualité gustative de ses fruits, ses aptitudes agronomiques sont épous­touflantes. On note ainsi un dévelop­pement végétatif intense, un démar­rage et une pousse des plants sur cet hybride originaire de l’île de Cebu aux Philippines nettement avancés par rapport aux mêmes variétés greffées sur d’autres hybrides.


Un choix lourd de conséquences :
Le producteur ou l’industriel devra donc concilier aptitude végétale et objective de rendement. Il devra répondre notamment lors de son raisonnement à des préoccupations déterminantes : rapide entrée en productivité ou qualité gustative ? Fort développement végé­tatif ou opacité du marché face à un nouveau porte-greffe ?... Les réper­cutions du choix final sont intensifiées également par la nature même de la spéculation, appartenant à l’arboricul­ture. L’agrumiculture prévoit en effet des investissements sur le moyen et le long terme, des retours sur investisse­ment sur une durée moyenne de 5 ans et des charges liées à l’investissement de départ (plantation, mise en place du système d’irrigation, entretien…) assez élevées. Les décisions prises au démarrage sont donc quasi irrévo­cables.

Sur le plan industriel, les techniques qu’impose un choix donné sont direc­tement liées aux aptitudes et carac­téristiques recherchées à l’aval au ni­veau des stations de conditionnement ou des transformateurs. Le déverdis­sage par exemple permet, grâce à une cueillette sélective et échelonnée, d’étaler la campagne d’exportation et d’éviter ainsi l’exposition des fruits aux éventuelles pluies du mois d’octobre (problème de gaufrage, notamment sur porte-greffe Citrus Volkameriana). La teneur en jus (de préférence > 45%), la valeur d’extrait sec soluble ou le rapport Extrait sec/Acidité* sont, entre autres, des caractéristiques tech­niques dont les valeurs sont directe­ment liées au raisonnement effectué deux années auparavant au niveau de l’amont agricole : le choix du porte-greffe adéquat.

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