mercredi 14 décembre 2011

Campagne agrumicole 2010/2011 / Analyse d’un producteur


Campagne agrumicole 2010/2011
Déroulement, bilan et contraintes
Analyse d’un producteur


OUZINE MEHDI, Ingénieur Agro-Economiste


Si le bilan officiel de la campagne d’exportation des agrumes au titre de l’année 2010-2011 affiche une performance assez bonne dans l’ensemble, il en ressort plusieurs dysfonctionnements et écarts quant à son déroulement et prévisions affichées. En effet, si la précocité de la production et les performances de la variété Afourer (augmentation de plus de 75%) ont permis de maintenir le cap dans l’ensemble, il en est moins pour le reste. Avec un volume total exporté jusqu’à mi-mars de plus de 436.000 tonnes et une progression de 15% par rapport à la campagne antécédente, la ventilation par variétés fait ressortir une autre lecture



De ce fait, l’analyse de cette campagne selon l’angle producteur pourrait s’avérer fort utile pour corriger les différents dysfonctionnements que connait l’ensemble du processus. La région du Gharb en est un parfait exemple. Le niveau de technicité bas, l’absence d’échanges scientifiques et la succession d’aléas climatiques défavorables, en font un cas d’étude intéressant. Hormis les difficultés d’ordre organisationnel et de gestion courante qui pourraient entraver le producteur lambda, le gouffre technologique se creuse de plus en plus entre 2 camps. D’une part, les gros producteurs bénéficiant d’un transfert technologique de masse issu de l’accumulation de plusieurs années d’expériences (la majeure partie du temps provenant de la région du Souss) et, d’autre part, les petits et moyens producteurs mal organisés et sans support technique, souffrant de la non maîtrise des coûts de production et des économies d’échelles qui leurs font souvent défaut.

A noter que le manque d’organisation n’est pas l’exclusivité des petits et moyens producteurs. On retrouve ainsi de grandes exploitations (plus de 100 Ha) qui, faute de recul et/ou de maîtrise du secteur agricole, soufrent des mêmes entraves au niveau de la production. Les défaillances techniques pourraient donc contribuer en grande partie à l’explication d’un bilan mitigé en fin de campagne, mais s’arrêter à ce niveau serait insuffisant. La dissociation des différents étages des filières agricoles a longtemps été la source de nombreux dysfonctionnements, ces problèmes d’ordre agronomique ne renseignent pas non plus sur l’évolution de la commercialisation, maillon décisif de la chaîne et dont le producteur peu averti négocie mal la plupart du temps la mise en place.

Sur un tout autre volet, les problèmes d’ordre qualitatif handicapent hautement la campagne d’exportation des agrumes. La production fait les frais d’une accumulation du non respect des normes de cueillette, de stockage ou de transport, un non respect de la qualité dans sa globalité qui peut dans des cas spécifiques, en l’occurrence le Gharb, être considéré comme donnée structurelle caractérisant la région. Pour cette campagne, l’impact de cet aspect a été moindre et ce, grâce aux conditions climatiques favorables. En effet, les niveaux de production enregistrés cette année ont été en nette amélioration par rapport aux campagnes précédentes (2 années suite aux fortes précipitations et inondations à répétition).
Un autre facteur commence à prendre part à cette équation délicate de la commercialisation, à savoir la mauvaise conjoncture du marché.

Désormais, les prix bas enregistrés à l’export donnent plus de notoriété à un marché local de plus en plus rémunérateur. En effet, avec une demande locale supérieure à l’offre existante, ce circuit constitue pour les producteurs, toutes tailles confondues, une soupape de sécurité.

Le marché de la Maroc Late est un excellent exemple pour illustrer le rôle de régulation que peut jouer un organisme tel que le marché de gros. Avec des prix qui ont oscillé entre 1,8- 2 Dh/Kg sur pied en début de campagne, cette structure à su compenser les prix de ventes trop bas enregistré à l’export.
Par conséquent, une commercialisation qui écarterait l’alternative locale ne peut qu’être fausse. Reste donc la clairvoyance du producteur qui devra, tel un joueur d’échecs, anticiper les réactions des différents marchés avant ses homologues.
Par ailleurs, des questions d’ordre stratégique ont marqué et marqueront pour quelques années encore la campagne agrumicole.

On notera en fin d’analyse la plus sensible et la plus délicate d’entres elles, celle de l’adéquation variété/marché. Plusieurs voix s’élèvent pour critiquer la politique mise en place de plantation intensive, puisque des vergers en haute densité voient le jour régulièrement et le raisonnement du choix variétal s’y fait souvent par conviction personnelle uniquement.

Dans l’ensemble, on peut parler d’un bilan de campagne assez bon, mais qui ne reflète pas la santé du secteur dans sa globalité. En l’absence d’une organisation plus affirmée et qui met en avant le transfert de compétences et de technologies, la visibilité sur les prix et les orientations des différents marchés à l’export, la filière agrumes, en tant que filière à haut potentiel, a du pain sur la planche.

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